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Photo du rédacteurDavid Braesch

Je me souviens de Milojko, le Serbe à l’harmonica




Milojko était probablement serbe ou croate, et ne parlait pas un seul mot de français.

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Il passait ses journées à jouer de l’harmonica, assis sur un carton et adossé au mur. Et malgré sa situation de pauvreté extrême dans nos rues françaises, il arrivait à transmettre un peu de joie dans sa musique. C’était à la fois réjouissant et intimidant, parce que comme beaucoup de personne, j’ai moi aussi des moments où je suis totalement accablé et effondré malgré le confort dont je profite.

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Mais cet homme parvenait à rester joyeux dans une situation dans laquelle je serais en pleurs.

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Venu en France dans l’espoir de trouver une vie meilleure, malheureusement de manière illégale, il ne trouva pas de place au sein de la société. Il n’avait personne, pas de famille, pas d’amis, et très peu de personne le considéraient ou osaient croiser son regard. Encore moins de personnes répondaient à son envie de communiquer.

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Au cours de la journée, un passant s’était arrêté pour le saluer et discuter un peu avec lui. Ils ne se connaissaient pas, et malgré tout ils purent échanger un peu. Il se trouva que Milojko travaillait le bois ; sculpteur peut être, ou alors menuisier. Un métier dans lequel il pourrait trouver du travail en France, c’est certain (dans un cadre légal).

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Milojko fit signe au passant pour qu’il s’assoie avec lui. La crasse qui couvrait le corps et les vêtements de Milojko rebutait le jeune passant qui ne voulait pas salir ses vêtements propres. Mais il était là pour passer quelques instants avec lui, avec Milojko. Alors il fit cet effort de s’abaisser et de descendre avec humilité pour s’assoir sur le bitume avec le vieil homme.

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La joie se lisait encore d’avantage sur le visage de Milojko. Les deux hommes commencèrent à jouer ensemble, et à échanger à travers la musique. L’un jouant de son harmonica, l’autre essayant tant bien que mal de faire de la percussion et de suivre le rythme.

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Le vieux mendiant était absolument ravi d’avoir eu ce partage aussi singulier que rare. Et il est certain que les deux hommes se sont trouvés grandis l’un par l’autre à travers cette expérience.

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Pour ma part, je n’ai plus jamais revu cet homme, Milojko, malgré le fait que je passais régulièrement au même endroit. J’espère vraiment qu’il a pu reprendre une vie plus normale, obtenir un droit de séjour légal, trouver un travail et un logement.

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Cet homme avait une vraie richesse à partager et à faire découvrir aux plus jeunes. La simplicité dont il faisait preuve tout en étant heureux dans une pauvreté intolérable sont de vraies qualités humaines, appréciables mais aussi pleines de sagesse.

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Personnellement je trouve dommage de laisser cela à « l’abandon » pour une question aussi primaire que celle de l’argent.

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Ce fut une expérience déstabilisante, à la fois par le choc que ce fut de voir le contraste entre les deux hommes, que par l’attitude générale des passants vis-à-vis de la pauvreté qui se trouve dans les rues – et qu’ils n’ont pas.

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Également, se retrouver assis à même le sol pour discuter avec un vieux mendiant crasseux est une expérience largement révélatrice de l’expérience de rejet à laquelle sont confrontés ces personnes à chaque seconde qui passe. Ces personnes passent leur journée à demander un peu d’attention, que ce soit maladroitement en demandant une pièce de monnaie, ou encore en interpellant les gens sans avoir vraiment de raison. Et à chaque instant d’autres personnes les ignorent, ne répondant pas à leurs demandes, en osant à peine les regarder ou en faisait mine de pas les avoir vu.

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A ces personnes dépourvues de tout, on leur enlève encore leur humanité. Ils ne sont plus vraiment des « êtres humains », mais simplement des mendiants faisant malheureusement parti des meubles.

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Loin de jeter la pierre, je suis comme tout le monde. Il m’arrive très souvent d’ignorer les mendiants, de faire comme je ne les avais pas vu, ou encore de refuser de croiser leur regard. Malheureusement, c’est plus facile pour moi d’agir ainsi, plutôt que de faire l’effort de regarder la personne, de soutenir son regard, d’éprouver de la compassion, pour leur dire ensuite « non je ne peux pas t’aider ».

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Humainement c’est très difficile et douloureux, en tout cas pour moi qui suis sensible et empathique. Ça l’est d’autant plus que moi-même je ne peux faire que très peu de chose pour ces personnes. Certes je peux passer un peu de temps avec eux, leurs parler, leur acheter à manger, etc… Mais ce n’est pas cela qui va changer leur situation. Je n’ai ni le pouvoir de le faire, ni la capacité politique ou financière de le faire. Pour moi en tant que personne, pas très riche et vivant dans une petite collocation, c’est chose impossible.

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En revanche, je crois pour les entreprises c’est une chose tout à fait réalisable que d’aider ces personnes à changer leur situation.

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Il est courant que les entreprises investissent de l’argent dans leur image, par exemple en donnant 1% de leur résultat à des œuvres caritatives, ou en reversant leur surplus à des associations qui sont directement en contact avec les personnes dans le besoin.

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Ce sont de très bonnes choses, et heureusement que ces entreprises reversent ces richesses en suspend à d’autre. Cependant la (petite) critique que j’aurais à formuler serait la suivante : les différents besoins des personnes en difficultés sont pris en charge par de multiples acteurs complètement différenciés. Je crois que cela complique la réinsertion de ces personnes en multipliant les interlocuteurs, et de ce fait accroissent les obstacles.

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Peut-être pourrions-nous simplifier les choses ?

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Je pense que c’est possible, et c’est la raison d’être du projet DAVID HOUSE

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